Octobre 2014 à juin 2015
Pour ce projet, nous travaillons avec la compagnie NAJE, une compagnie de Théâtre de l’opprimé travaillant en région parisienne. La compagnie NAJE réalise chaque année un grand projet qui réunit cinquante personnes de toute la France d’horizons et de classes sociales diverses. Le défi: construire un spectacle de théâtre forum sur un sujet socio-politique d’actualité, à partir des histoires de vie des participants et d’apports académiques, techniques et d’expériences de personnes spécifiques choisies pour intervenir (chercheurs, syndicalistes, militants etc…)
Cette année, le thème est le travail. La compagnie nous propose d’intervenir dans la création pour ajouter au processus l’animation de marionnettes.
Durant le processus de production de matériel qui sert à écrire le spectacle -improvisations et collecte d’histoires, nous travaillons avec les participants à collecter des histoires de vie à travers d’ateliers de théâtre d’objets, à produire des improvisations basées sur l’animation expressionniste de grandes marionnettes de papier construites à l’instant, mais également à transmettre aux participants les bases de l’animation de marionnettes.
Lors de l’écriture, se conçoit l’idée de petites scènes de marionnettes tout au long du spectacle, crées à partir de récits des participants. La fonction des marionnettes est ici de produire des images métaphoriques et expressionnistes des situations, en amenant les corps des marionnettes à exprimer les différents conflits et émotions de chaque scène : exploitation, solitude, mécanisation, dépression, colère, espoir… Chaque marionnette est animée par trois personnes. Quinze personnes au total les animeront.
Arrive ensuite le temps de construction des marionnettes définitives. Nous organisons un petit groupe d personnes intéressés. Ce temps nous permet de partager beaucoup autour des marionnettes et de les charger collectivement.
Et puis nous répétons !
Les participants sont très heureux du travail de marionnettes. Et selon les retours du public, les marionnettes apportent au spectacle sensibilité et poésie, ainsi qu’une grande identification du spectateur, qui sert bien l’enjeu politique.
Témoignages de participantes
…Ouais…. moi les marionnettes « c’est les doigts dans le nez » … et une fois devant…… tu es là en train de te demander….. « hé que vas-tu faire » tout d’un coup tu la prend d’abord comme une poupée de papier ou de chiffon et ensuite tu ne sais pas pourquoi tu la considères comme un être vivant… Je me suis surprise à la bercer et ressentir de l’affection comme une maman qui berce son enfant !!!!!
J’avais besoin de la toucher, de la palper, et même de la câliner avant de rentrer sur scène ou même avant de répéter tout simplement …… D’avoir cette marionnette dans les mains, de la faire bouger, de la faire marcher à ta façon ça débloque en toi quelque chose de magique…..et plus j’étais avec elle plus elle grandissait pour devenir quelqu’un , un ami qui était fait de chair et de sang …… qui était à mon image …. (…)
…le fait de travailler ton corps en fonction de la marionnette, de la faire vibrer…et de lui ressentir ton mal de vivre pour en finir n’être plus qu’un …..Waouh……Moi je n’en suis pas sortie indemne …..j’ai été légèrement « bousculée » et « émouvue », j’y pensais le jour et la nuit … (…)
Renée
Le travail collectif de construction des marionnettes m’a semblé hyper important dans la démarche. Ça m’a permis de réfléchir au corps, à comment il fonctionne, comment il s’articule, comment on le fait bouger, etc ; et d’apprendre tout ça totalement dans la pratique, en expérimentant, et ça c’est génial, et je pense que ça prépare beaucoup à la manipulation des marionnettes ensuite. J’ai trouvé magique aussi le processus de construction, qui a été pour moi un vrai processus de « donner naissance », notamment lors de la sculpture de la tête. J’avais jamais pensé qu’en sculptant, on pouvait vraiment découvrir un visage, sans avoir prévu à quoi il allait ressembler. C’est assez troublant et je pense qu’il y aurait beaucoup à explorer là-dessus, mais ça serait plutôt de l’ordre de la marionnette-thérapie.(…)
Myriam
Elles font famille, extensible à l’infini, collection rare de pantins de mousse, de cuir, et de papiers
rapportés, collés, suffisamment peaufinés pour devenir personnages singuliers qui nous font tressaillir.
Elles sont œuvre à deux mais aussi à plusieurs, accueillantes à la main maladroite et timide,
émue par son propre émoi, rassurée de s’en décharger un peu sur elles, et finalement transmuée par cet émoi.
Elles sont aussi communauté qui héberge; elles invitent à être rassurées, pensées, regardées, méditées, soutenues, respectées… elles invitent à l’aventure de l’introspection, en extérieur, flottant, et multidimensionnel…
Piles indéchargeables de nos mémoires, elles vivent d’une vie qui ne se redéclenche qu’avec le regard et la main portés sur elles… (…)